C’est à Gaston Berger, philosophe, que l’on doit, dans les années 50, les premiers écrits sur la notion de prospective qu’il définissait ainsi : « la prospective est essentiellement l’étude de l’avenir lointain ».
La lecture du site de la société française de la prospective suggère que cette notion a questionné et interroge toujours de nombreuses personnalités depuis l’émergence de ce terme.
Pour ma part, je définirai humblement la prospective comme un exercice consistant à sélectionner dans un environnement des éléments, souvent anodins – que je nomme signaux faibles-, à les mettre en lien puis en dynamique de façon à identifier les futurs possibles ainsi générés.
Pris en compte individuellement, ces différents éléments n’ont que peu d’intérêt. Par contre, leur combinaison et leur mise en dynamique ont le pouvoir de faire apparaître des impacts notables pour l'avenir.
Un des éléments remarquables de cet exercice consiste dans la variabilité des résultats que l’on peut en obtenir. En effet, en fonction des éléments retenus et de leur agencement, l’aboutissement de la réflexion pourra être très différent.
Pour comprendre, je vous propose de faire un parallèle, trivial je le conçois, avec la préparation d’un plat.
La cuisine est une succession d’étapes, de questionnements :
J’ouvre le réfrigérateur.
J’identifie les éléments à ma disposition.
Je fais ensuite des liens entre ces différents éléments : s’accordent-ils ?
Je mets en dynamique : puis-je les manger crus ou cuits ?
C’est à l’issu de ce mécanisme procédural que je vais enfin obtenir la recette que je vais pouvoir mettre en œuvre…
En cuisine, comme dans l’entreprise, la prospective se travaille à partir du passé et du présent. Elle permet de faire émerger des tendances qui vont impacter différents périmètres.
Pour être plus concert, je vais prendre l’exemple d’un secteur que je connais bien, celui du métier de l’expertise comptable, pour faire un exercice de prospective.
Aujourd’hui, je retiens les signaux faibles suivants :
1/ La mise en place de la facture électronique avec une obligation pour tous au 1er janvier 2026. À partir de cette date, la récupération des données liées aux factures par l’État se fera via l’application Chorus
2/ Le développement de l’intelligence artificielle qui permet de traiter plus efficacement un plus grand nombre de données
3/ L’émergence de plateformes plus collaboratives proposant une automatisation de nombreuses opérations
4/ La France est le seul pays en Europe bénéficiant d’un monopole sur la tenue comptable
5/ La genèse de la constitution de l’Ordre des Experts Comptables liée à la 2nde guerre mondiale : il a été décider de constituer une profession permettant d’optimiser la déclaration et le recouvrement de l'impôt afin de reconstruire le pays.
Quelle mise en lien puis-je faire entre ces signaux faibles ?
Les signaux faibles 1, 2 et 5 sont à mettre en perspective. Ils permettent de constater qu’aujourd’hui, la donnée traitée par les experts-comptables est récoltée à la source. Elle est analysée par l'intelligence artificielle, ce qui implique que risque d'erreur et de fraude diminuent.
Cette mise en lien étant effectuée, je procède à la mise en dynamique des signaux faibles.
En explorant les signaux 1, 2 et 3, je peux interroger la place des cabinets d’expertise comptable lorsque ces 3 points se seront développés. Quel est leur avenir ? Quels seront leurs rôles ?
Cette mise en dynamique m’engage alors dans la proposition des scenarii :
Fin du monopole de la tenue de la comptabilité pour les experts-comptables
Développement par les cabinets d’expertise comptable de nouveaux services en lien avec la « Business Intelligence »
Fin de l’obligation pour les petites structures d’établir une liasse fiscale : taxation à partir des flux
On voit bien, dans cet exemple, que les cabinets d’expertise-comptable auraient tout intérêt, dès aujourd’hui, à envisager ce changement de paradigme et à réfléchir à une nouvelle orientation de leurs offres.
Mais me direz-vous, la prospective est-elle transférable à toutes les entreprises ?
La réponse est affirmative. En effet, la prospective répond à plusieurs besoins :
Elle sert à prendre de la hauteur sur l’entreprise et ainsi à réaliser quels sont les vrais enjeux
Elle permet de rassurer : pour un entrepreneur, une des sources les plus importante de stress est d’être surpris. Ne pas être surpris, c’est avoir davantage de ressources à sa disposition pour réagir
Elle sécurise l’avenir de l’entreprise :
L’exercice, en étant source d’anticipation, peut me permettre d’identifier des zones d’opportunités et d’éviter des zones de risques, ou de mettre en œuvre des actions pour éviter ces risques
La démarche permet de déterminer un futur souhaitable pour l’entreprise et de le construire
Si la prospective satisfait plusieurs besoins, il reste indispensable de se poser les bonnes questions. Je vous propose quelques exemples de celles que vous pourriez vous poser à l’issue de la lecture de cet article :
Comment la veille est-elle assurée dans mon entreprise ?
Ou bien encore : Ai-je mis des outils de veille en place dans mon entreprise ?
Quelles sont les actions que je mets en place pour construire le futur souhaitable de mon entreprise ?
Et enfin : Ai-je pris le temps de réfléchir aux évolutions du marché qui peuvent impacter mon entreprise ?
Si ces questions vous interpellent, n’hésitez pas à en faire part.
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